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Coronavirus : les mesures que l’entreprise doit mettre en place

Publié le par Dos Santos Thierry

Coronavirus : les mesures que l’entreprise doit mettre en place

, par Fabien Soyez

Lors d’une épidémie, l’employeur a le devoir de protéger ses salariés. Du télétravail au recours à l’activité partielle, en passant par les arrêts de travail, revue des actions qui incombent à l’entreprise, tandis que le coronavirus progresse en France et qu’Emmanuel Macron a annoncé des mesures exceptionnelles.

Article du 3 mars 2020, mis à jour le 13 mars, après les annonces d’Emmanuel Macron.
D’une manière générale, dans le cadre de son obligation de santé et de sécurité vis-à-vis des salariés, l’employeur doit protéger ces derniers face à toute situation de contamination potentielle. À partir de lundi 16 mars, la France devrait fonctionner au ralenti face à l’épidémie du coronavirus. L’objectif : ralentir au maximum sa propagation. L’occasion pour nous de vous dresser une liste des mesures qui incombent aux employeurs.

 

Le télétravail à privilégier

Emmanuel Macron a demandé jeudi 12 mars aux entreprises de “permettre à leurs employés de travailler à distance, et d’intensifier le télétravail.” Selon Muriel Pénicaud, qui s’est exprimée ce vendredi matin sur France Info, “tout ce qui peut se faire en télétravail doit l’être”.

L’employeur doit donc privilégier le télétravail, quitte à le mettre en place sans l’accord de ses salariés. “Depuis 2017, le code du Travail mentionne le risque épidémique comme pouvant justifier un recours forcé au télétravail. Un salarié qui refuserait de travailler à distance risquerait une sanction disciplinaire”, explique Timothé Lefebvre, avocat au Barreau de Paris.

 

 

Arrêt de travail sans jour de carence

Si le télétravail n’est pas compatible avec l’activité de l’entreprise ou du salarié, il peut demander à ce dernier de rester à son domicile. Dans ce cas, ce dernier peut bénéficier d’un arrêt de travail, indemnisé par la Sécurité sociale. “Cet arrêt maladie fonctionne sans aller chez le médecin et c’est l’employeur qui le déclare. Il ne peut pas dire non à son collaborateur s’il lui demande”, explique Muriel Pénicaud. Un décret officiel publié le 1er février 2020 garantit des indemnités journalières sans jour de carence. À partir de la déclaration, l’indemnisation est enclenchée et le salarié percevra ainsi des indemnités journalières et, le cas échéant, le complément de salaire de son employeur dès le premier jour d’arrêt.

C’est donc l’entreprise qui se charge de remplir le formulaire en ligne sur le site créé par l’Assurance-maladie. Tous les régimes de sécurité sociale (régime général, régime agricole, régimes spéciaux et travailleurs indépendants) sont concernés. La démarche concerne uniquement les parents d’enfant de moins de 16 ans qui n’ont pas de solution de garde et qui ne peuvent pas faire de télétravail. Attention car un seul des deux parents peut en bénéficier. Il devra fournir à son employeur une attestation sur l’honneur certifiant qu’il est le seul au sein de son couple à faire cette demande.

L’arrêt de travail sera accordé pour une durée de 14 jours calendaires à partir de la date de début de l’arrêt déclaré. Emmanuel Macron n’a pas indiqué la durée de fermeture des établissements scolaires. Il a annoncé la fermeture dès lundi jusqu’à nouvel ordre, mais selon le ministère du Travail, elle devrait avoir lieu au moins jusqu’aux vacances de printemps.

“Il s’agit d’une indemnisation de la Sécurité sociale, comme si le salarié était malade. Le minimum équivaut à 50 % du salaire journalier de base qui précédait l’arrêt, et à 45,5 euros au maximum. Mais un montant plus important sera fourni aux personnes qui ont 3 enfants en charge : au bout du 31e jour, s’ils sont toujours en arrêt, ils percevront 73 euros brut”, explique Timothé Lefebvre. Au-delà des 14 jours de l’arrêt de travail, les salariés sont censés retourner à leur poste. “Mais vu les circonstances, cela paraît peu probable. Soit un décret ultérieur viendra prolonger la durée maximum de l’arrêt, soit la médecine du travail le prolongera, générant ainsi une indemnisation continue”, ajoute l’avocat.

L’employeur peut verser un complément de salaire à son collaborateur, mais hors des conventions collectives le prévoyant, “il ne sera pas plus obligé de le faire demain qu’hier”, remarque encore Timothé Lefebvre.

 

 

La possibilité de déplacer les congés

L’article L31 41-6 du Code du travail stipule qu’en cas de circonstance exceptionnelle, l’employeur peut déplacer les dates de congé de ses salariés. “En cas d’épidémie ou de risques pour la santé de ses collaborateurs, il peut ainsi leur imposer de solder leurs RTT et jours de récupération, ou de décaler des congés déjà posés sur une autre période”, explique Timothé Lefebvre. Les salariés ne peuvent refuser une telle décision de l’entreprise. A défaut, ils se placeraient en situation d’insubordination, passible de licenciement pour faute grave. “Le juge apprécie si le recours est justifié par une circonstance exceptionnelle”, observe l’avocat.

 

Activité partielle généralisée

Dans certains cas de figure (1), l’entreprise peut être contrainte de ralentir son activité, en fermant temporairement les locaux ou en réduisant les horaires de travail, en deçà de la durée légale. Pour cela, il devra faire une demande d’activité partielle au ministère du Travail. Jeudi 12 mars, Emmanuel Macron a annoncé, lors de son allocution télévisée, la mise en œuvre d’un “mécanisme exceptionnel et massif de chômage partiel”.

Sur le modèle de l’Allemagne, qui avait généralisé l’activité partielle au moment de la crise de 2009 pour “sauver son économie”, ce dispositif sera généralisé.

Dans le cadre de ce système, les salariés voient leur contrat de travail suspendu, et bénéficient d’une allocation spécifique à la charge de l’Etat ; autrement dit, d’un “chômage partiel” compensé. Comme l’explique Muriel Pénicaud, c’est l’État qui indemnisera à 100 % le salarié via ce dispositif.

Normalement, l’employeur doit verser également une partie du salaire, correspondant à 70% de la rémunération brute, soit 84% du salaire horaire net. “Des entreprises hésitaient en se disant qu’elles n’avaient pas les moyens de prendre en charge. Là, on remboursera intégralement 100% du chômage partiel”, y compris au-delà du salaire minimum, a indiqué Muriel Pénicaud sur Franceinfo. “Jusqu’ici, l’Etat ne remboursait totalement que pour les salariés au Smic. Là, on remboursera tous les montants”, ajoute-t-elle. Selon la ministre, cette activité partielle peut concerner autant les entreprises que les artisans, les apprentis, ainsi que les associations.

Au total, la prise en charge par l’État et la Sécurité sociale de l’activité partielle généralisée et des arrêts de travail devraient coûter “des dizaines de milliards” d’euros. Bruno Lemaire, ministre de l’Économie, a de son côté, annoncé la mise en place d’un “étalement des charges fiscales et sociales pour les entreprises qui en auront besoin”.

 

 

Droit de retrait

Si l’entreprise n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger ses salariés face au coronavirus, par exemple si elle refuse le télétravail, ces derniers peuvent aussi quitter leur poste de travail ou refuser de s’y rendre, en effectuant leur droit de retrait. “En situation de crise, les possibilités de recours à l’exercice du droit de retrait sont fortement limitées, dès lors que l’employeur a pris les mesures de prévention et de protection nécessaires, conformément aux recommandations du gouvernement. Le droit de retrait doit être exercé de telle manière qu’il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de risque grave et imminent. Cela implique que le retrait ne peut s’effectuer si le risque concerne des personnes extérieures à l’entreprise, notamment des usagers”, précise le ministère du Travail.

L’employeur ne peut demander à son salarié de reprendre son activité, dans le cas où persisterait “un danger grave et imminent”. A contrario, si l’exercice de ce droit est “manifestement abusif”, une retenue sur salaire pour inexécution du contrat de travail peut être effectuée. L’exercice non fondé de ce droit ne caractérise pas l’existence d’une faute grave, mais peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

 “On peut se retirer d’une situation dont on a un motif raisonnable de penser qu’on est en danger. Tout repose sur ce motif raisonnable. Il est tout à fait possible d’imaginer que cet exercice serait justifié s’il est démontré que l’employeur n’a pas respecté les recommandations du gouvernement, même s’il ne s’agit que de recommandations”, explique Timothé Lefebvre.

“La seule obligation légale pour l’entreprise, c’est celle de la sécurité, en fonction des indications du gouvernement, auxquelles peut se référer le juge pour vérifier que l’employeur a pris ou non les bonnes mesures. Vu les demandes d’Emmanuel Macron de limiter les déplacements et de généraliser l’activité partielle, l’on comprendrait mal qu’un employeur refuse le télétravail et force son salarié à venir”, indique Timothé Lefebvre. Le droit de retrait peut-il être considéré comme injustifié sans cas de coronavirus dans l’entreprise ? “Il y a quelques semaines, oui, mais plus dans ces circonstances”, ajoute-t-il.

 

 

Nettoyage des locaux et gel antibactérien

Dans le cas où un employeur refuse le télétravail, l’activité partielle et que ses salariés tiennent à venir travailler, l’entreprise a pour mission de nettoyer et de désinfecter régulièrement les locaux. Pour cela, elle doit notamment équiper les personnes en charge du nettoyage des sols et des surfaces d’une blouse à usage unique et de gants de ménage.

Outre le fait de veiller à la propreté des locaux, l’entreprise peut aussi imposer une distance de sécurité entre les salariés de 1 mètre minimum, et mettre à disposition de ses équipes des éléments de protection. “Il ne s’agit pas d’une obligation, mais en raison de son devoir de protection envers les salariés, l’employeur a tout intérêt à équiper ses collaborateurs de gel antibactérien. Il faut en effet savoir qu’il risque de verser des dommages et intérêts si un employé réussit à démontrer qu’il est tombé malade à cause d’un défaut de prévention”, note Timothé Lefebvre. Le fait de ne pas avoir distribué de gel peut ainsi justifier une sanction pour l’employeur.

 

(1) Hors cette situation exceptionnelle où il est généralisé, l’absence (massive) de salariés indispensables à l’activité de l’entreprise à cause du coronavirus, une suspension des transports en commun ou une limitation des déplacements décidés par les pouvoirs publics, ainsi qu’une baisse d’activité liée à une crise sanitaire sont des motifs permettant de recourir à l’activité partielle.

 

 

Fabien Soyez

Fabien Soyez
Journaliste Web et Community Manager

Publié dans DRH

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